15/10/2010

La bâtarde d’Istanbul / Elif Shafak




















La Turquie est une terre de contrastes et de paradoxes. Au jeu de la comparaison : si ce grand pays était un vin ce serait un assemblage incohérent de cépages, un coup ce serait le millésime du siècle et l’autre une vinasse juste bonne à remplir un cubi de villageoise.

Le centre névralgique de ce merveilleux pays, Istanbul organise et représente ce délicieux bordel.

Dans ces rues à même le macadam, blotti dans une couverture sans âge, un hippie se réveille difficilement de sa nuit. Il croise une femme perchée sur ces hauts talons, celle-ci court après son tram pour se rendre à son travail.

Un peu plus loin à la terrasse du café dans un nuage de fumée ocre, un kémaliste forcené disserte avec son ami le poète libertaire du bien fondé de l'indépendance de la nation face au reste du monde. Nos comparses ont l’œil humide et la parole approximative, rituellement comme dans n’importe quel troquet du monde, ils entrechoquent leurs verres ! De raki évidemment !

Ils ne sentent pas le regard sombre et indigné de la vieille dame entièrement voilée qui passe à coté d’eux.

Bienvenu au café Kundera !!!

« La bâtarde d’Istanbul » croise les destins de deux familles foncièrement différentes et pourtant si proches.

En Arizona, Rose coule des jours tranquilles. Cette américaine pure souche partage son temps, entre son mari turc Mustapha, la junk food, beaucoup de télévision et sa fille : la jeune et pétillante Armanouch. Fruit de l’union de sa mère avec un américo-arménien, Armanouch Tchakhmakhchian va souvent à San Francisco rendre visite à cette famille marquée par le génocide arménien de 1915.

A des milliers de kilomètres de là, à Istanbul vit une singulière famille, dénuée d’hommes : les Kazanci. Ce matriarcat létal se compose de la jeune et sauvage adulte Asya, de sa grand-mère et de ses tantes.

A force d’entendre parler du passé douloureux de sa famille arménienne, Armanouch se rend là où tout a commencé : Istanbul. Une fois sur place, elle est accueillie par la famille de son beau père : Mustapha Kazanci. Accompagnée d’Asya « la bâtarde », Armanouch commence alors une immersion douloureuse dans l’histoire d’un pays ô combien paradoxal !!!

Ce livre n’est pas sans rappelé « De l’autre coté », le film de Fatih Akin. Ces destins croisés où naissent les tragédies de l’existence !

J’ai beaucoup aimé ce livre, Elif Shafak manie admirablement la plume, le lecteur est accroché de façon quasi immédiate. On appréhende la dernière page car on quitte à regret une galerie de personnages hauts en couleurs.

Un bémol tout de même ! Le foisonnement narratif (parfois surréaliste) orchestré par les deux familles fait de l’ombre aux différents sujets de fond abordés : le nationalisme, le génocide arménien, l'occidentalisme, l’Islam, etc.…On aurait aimé parfois plus de profondeur et d’analyse.

Et quand on sait qu’Elif Shafak a été poursuivie en justice pour « Humiliation de l'identité turque, de la République, des institutions ou organes d'État » !!! Heureusement le procès s’est conclu sur un non lieu.

22/02/2010

Replikas - Zerre

























Un bon album ne se dévoile pas facilement, il n'est pas de ceux qui acceptent au premier soir. Avant d’éprouver son corps libidineux sur le satin rose de nos oreilles, le grand album minaude et fait durer le plaisir. Sera le bon celui qui aura la patience et l’engagement nécessaire pour déceler toute sa beauté intérieure.

Avec Replikas ce n’est plus une simple idylle que j’entretiens, on se pratique depuis quasi 6 ans, je commence à le connaître vous savez. Et puis voilà qu’un soir, « Zerre » sonne à ma porte et honte à moi j’ai eu du mal à reconnaître le nouveau né du groupe.


Une dizaine d’écoutes plus tard, ma première impression de linéarité envolée, j’admire scié le travail fait sur la production. Replikas est étonnant, la précision des riffs et l’aura esthétique des morceaux confère à l’album ce parfum d’album de la maturité.

Ici le groupe s’est passé de l’aide de l'ancien producteur Wharthon Tiers pour peaufiner ce nouvel album. Ils se sont enfermés dans une île de la mer Egée : Gokceada pour l’enregistrer, le mastering quant à lui fut à la charge de Kim Rosen (Radio 4, Franz Ferdinand, Animal Collective…) à New-York.


Saluons s'il vous plaît encore une fois le bel ouvrage, nos six prisonniers n'ont pas opté pour la solution de facilité. Fini le rock tubesque de "Avaz", "Zerre" a été travaillé d'un bloc, la pureté de ces lignes mélodiques tranche sérieusement avec l'exubérance d'autrefois, le travail studio est remarquable : un régal pour les archéologues du bruit comme moi!!!

Rappelant le travail d'orfèvre d'artistes comme Porcupine Tree, Editors ou même Sonic Youth, Replikas élimine un à un les apparats du rock, le chant par exemple ici se fait plus subtil, le sempiternelle couplet/refrain a quasi disparu. Seul rescapé du style d'antan, "bugun Varim Yarin Yokum" fait de la résistance avec son groove pop-rock britannique...


Au sein de Reverie Falls On All, Barkin Engin et Burak Tamer bâtissent des cathédrales sonores et libèrent toute la sauvagerie bruitiste dont ils sont capables. Ce projet noise a laissé des traces sur cet album, la rigueur harmonique de la production est bouleversée par d'inquiétants sons parasites ("Dulcinea").

Dire que j'ai failli passer à coté de cette beauté cachée, il serait peut-être temps que je décrasse les cages à miels, comment n'ai-je pu déceler la richesse d'un morceau comme "Gulmedigin Gunler".

Disons que ce genre d'album se consomme comme du bon vin, au début on le trouve fade mais si on le laisse décanter suffisamment, la surprise est de taille.


26/11/2009

High-Stanbul en musique (carnet de voyage)































Mercredi 11 novembre 2009,


Le réveil sonne beaucoup trop tôt (5h45) et met un terme à ce rêve déglingué d'homme ours et de poissons chat mutants. Une boule de bowling tape sur les parois de mon crâne, je devrais savoir que l'alcool ne fait jamais bon ménage avec un réveil matinal et une grosse journée. Donc, départ plus ou moins difficile pour l'aéroport aux trois frontières de Bâle-Mulhouse, notre avion décolle à 10h15 pour Istanbul. En route pour la joie!!!Trois heures plus tard, nous voilà arrivé dans la luxuriante et chaotique cité. Le temps de déposer les affaires dans l'auberge de jeunesse située à deux pas de la place Taksim et nous descendons d'un bon pas la trépidante Istikal Cadessi. Inutile de se restaurer, la bière palliera largement la faim et de toute façon nous manquons de temps. Nous avons rendez-vous au Babylon avec Clément Girardot, le coordinateur du blog Médiapart "Istanbul (Not Constantinople)" pour déjà se rencontrer et pourquoi pas aussi assister au concert de Gevende.

Trois ans après la sortie du premier album "Ev", je me demandais à quoi pouvait ressembler les morceaux. Dans un Babylon moyennement rempli, Gevende va jouer majoritairement des morceaux de cet album et les quelques nouvelles chansons entendues augurent du bon pour 2010. Intéressant de voir la place laissée à l'improvisation, l'enrobage world est tout de suite moins consensuel. Moi qui suis de plus en plus revêche aux balkaneries, indouseries et autres caricatures sucrées, j'ai apprécié cette démarche volontairement plus jazzy. Et ce final sur "Gozagri" m'a laissé sans voix, le son lourd et dramatique du violon croisé aux attaques incessantes de la trompette furent inoubliables. Si l'on passe leurs égarements latinos, ce fut un excellent concert !!! Voilà ça c'est dit.
A une heure où alcool et fatigue joue de concert pour annihiler toute motivation, on sort du Babylon en se demandant comment clore cette première soirée. La réponse se trouvera quinze mètres plus loin dans un bar de débauche avec Selim Sesler himself, accompagné de deux musiciens, un au saz et l’autre à la percu. Le gitan anatolien tapait le bœuf devant un parterre d'une dizaine de personnes déjà bien attaqué au raki local. Au menu : des morceaux entendus ci et là sur son album avec Brenna Mac Crimmon et sur la BO du film "Crossing The Bridge". D'où ma légère déception, ce bon vieux Selim est en roue libre, tu devrais prendre des vacances mon pote ! Je l'ai senti blasé et fatigué, à force d’enchaîner les concerts et de jouer toutes les semaines dans le même restaurant, il a perdu de sa superbe. Mais je fais la fine bouche, merci encore l'ami pour ce délicieux moment (gratuit qui plus est).

Jeudi 12 novembre 2009,


Ma foi c'est avec plaisir que j'entends la sonnerie de mon réveil pour rejoindre Clément et enfin caler cette famine intolérable. Au coeur du quartier de Galata, dans un restaurant surplombant Istanbul, le serveur m'amène des oeufs brouillés à la tomate et au fromage (Menemen). Loué soit ce repas !!!Au horizon de 23 h, nous nous dirigeons au Ghetto pour voir Fairuz Derin Bulut, les apôtres de l'arabesq

ue psychédélique. Si je devais les comparer à un plat, je vous parlerai du Mole (recette mexicaine de poulet au piment, raisin, sésame, épices, tomate et.......au chocolat), pourquoi? En résumé, t’as un batteur jazz, un violoniste/chanteur arabesque, un claviériste psyché et un guitariste punk-rock !!!

Dis comme ça, je refuse d'y goûter, le risque de perturber ma flore intestinale est trop grand. Mais magie de la cuisine, je ne sais pas quel miracle, ces quatre ingrédients quasi contradictoires se complètent parfaitement et offrent une musique aussi intéressante que goutue. J'émettrai quelques réserves pour la voix insupportable du violoniste, du même acabit que ces chanteurs dessués (pour ménagères de moins de cinquante ans) squattant les ondes des télévisions turques. Autour de nous le public discret s'intéresse plus à son verre (à un prix prohibitif) qu'au groupe, les gars ne s’offusquent pas et livrent un live généreux et puissant. Mention spéciale au gratteux, à qui on devrait, simple suggestion, donner la direction du groupe. On enlève la couche de naphtaline, on nettoie bien le kitch résiduel, on remercie la chanteuse et c’est parti !!!

Vendredi 13 novembre,


Superstition oblige, nous n'avons rien fait à par marcher de long en large dans Istiklal cadessi, mission shopping!!!


Samedi 14 novembre,






























Autant vous dire que les Champs Elysées turc (la rue nommée ci-dessus) sont bondés le Samedi soir, c'est le moment idéal pour assister à des concerts improvisés à même le macadam. Effectivement, de nombreux musiciens jouent à c

et heure, ils vendent des cds ou font passer le chapeau. Coup de chance ou pas, nous avons rencontré la petite troupe de Kara Günes (Cimballon, saz, cithare, guitare) en plein jam de musique traditionnelle et de folk psychédélique. Après cette parenthèse enchantée, en route pour le dernier mais attendu concert de Proudpilot au Pey

ote.

Cette fameuse salle est le spot idéal pour entendre et découvrir la vraie scène indépendante d'Istanbul. Je rêve d'avoir un tel lieu près de chez moi, imaginez donc : le bar au rez de chaussée pour une ambiance électro survoltée, un premier étage disposant d'une salle de concert (+ un studio d'enregistrement) et enfin tout en haut un deuxième bar (fumeur) à l'ambiance plus rock.

Finalement, nous sommes rentrés dans la salle sous les coups de 23h30. L'équipage du fier pilote vous remercie d'avoir choisi son vol, la bassiste passera dans les rangs vous racler les conduits auditifs avec un groove New-yorkais hérité de Kim Gordon (Sonic Youth). Question perturbations, la claviériste/chanteuse n'est pas en reste, avec son jeu froid/infantile influencé Suicide/Cocteau Twins. Sa voix éthérée hypnotise totalement, comme ses amis de Pocahaunted, elle a du rester trop longtemps dans la forêt de Twin Peaks. Pour conclure ce vol, et donner tout son sens à la formule « le plus dur ce n’est pas la chute, c'est l'atterrissage », donnons les commandes au batteur Kaan. On se demande s'il ne s'est pas échappé d'un groupe de brutal death tellement son jeu est violent, rapide et sec. Ce mec apporte un truc excitant à la musique de Proudpilot, on ne s'attend pas à entendre une telle base rythmique dans leur genre musical (shoegaze/post punk).


Dimanche 15 novembre,


Error system

Retour maison

Fatal Error / fin des communications..........................


19/09/2009

Hayvanlar Alemi - 666




















Quelque part dans le sud de la Turquie, une tribu d'infâmes sauvages se livre à d'étranges rituels païens. Ces épicuriens du son se font appeler Hayvanlar Alemi. En 2009, ils créent un nouvel «artefact», beaucoup plus noir que les précédents, cela va sans dire!
Bon, c’est bien beau d’appeler son disque 666, mais foutre dieu qu’est ce que Belzébuth a à voir dans cette affaire?

Assez peu de chose en fait, la seule trace biblique serait ce deuxième morceau ‘Krallar gibi (VIP)’, qui rappellera à certains j’en suis sur, la fameuse comptine française «la marche des rois mages». Les belliqueux religieux peuvent donc ranger fourches, pétitions, bûchers et autres chats noirs, l’église est sauve!!!

Nos sataniques missionnaires sont devenus des alchimistes confirmés. Les balbutiements psychédéliques passés et les détournements exotiques ont façonné incontestablement cette nouvelle pierre philosophale. Hayvanlar Alemi, soufflent sur les braises encore ardentes d'une époque révolue, les seventies. Croyez le ou non, j'ai aperçu la silhouette de zappa dans l'épaisse fumée des morceaux. Les limiter à la nostalgie serait une grossière erreur, leur approche bruitiste et leur "turkish touch" les placent parmi les groupes les plus intéressants de la scène psyché-noise.

L'animal (hayvan) s'est assagi question improvisation, exception faite du dernier titre. Un déluge sonore de 14 minutes en plein coeur de la sacristie, la mandoline et le sitar ont communié avec ferveur ce jour là !!!

Fort de dix ans d'existence, Hayvanlar Alemi n'a pas perdu de sa superbe, ce drôle d'oiseau s'amuse toujours à mélanger les genres, picorant aussi bien dans la noise, les musiques traditionnelles, le psychédélique ou le folk. Cette décennie passée à prêcher la bonne parole ne les a pas découragés, « 666 » fait mouche et prend une sacré avance au titre de coups de cœur 2009.

Ignoré par l'industrie musicale, peu probable que l'on entende parler un jour d'eux dans les médias spécialisés. A l’heure actuelle, seul « Gaga » est sorti sur un label et est distribué dans la vieille Europe (Tulumba.com, un des rares sites pour trouver du son made in Türkiye).

Vous pouvez retrouver une partie de leur discographie en téléchargement libre sur last.fm.


07/09/2009

La Turquie s'invite à Nancy (Aye-Aye Film Festival)






















Info de dernière minute

Le festival « Aye-Aye Film festival » propose cette année une journée consacrée au cinéma turc. Au programme : courts-métrages, documentaires, fictions et projection plein air du fameux « Crossing the bridge ».
Rendez-vous le vendredi 11 septembre à Nancy (Conservatoire Régional de l'image & cour de la Manufacture)

Pour une fois que que la Turquie s'invite à Nancy, je me devais de colporter l'événement!!!



Trouvez toutes les infos sur le site du festival




http://www.ayeaye-vo.com/

06/08/2009

Bunalim / Bunalim




Il est 7h du matin, c'est un vendredi gris comme l'hiver, je sors d'un pas hésitant de l'antre d'un ami, des vapeurs d'alcool m'encombrent encore les synapses et j'ai le cervelet qui cogne contre les parois.

Qu'il est prétentieux de croire que 4h de sommeil et 2 litres de bières belges suffisent à la fraîcheur d'un futur trentenaire. Un café expédié plus tard, je navigue, l'œil hagard dans l'éclectisme de mon Ipod, à la recherche d'un doliprane sonore.

J'avais encodé il y a peu ce disque de Bunalim, allez zou ça fera l'affaire!!!

[[Sachez que tous les disques chroniqués ici ont été achetés]]

Bunalim est sûrement un des plus grands groupes psychédéliques turcs avec Mogollar et l'inénarrable Erkin Koray, mais c'est surtout le moins connu et le plus obscur.

Ce groupe précurseur a été créé en 1969 par une belle bande de « freaks brothers, » la légende raconte qu'ils se baladaient nus dans Istikal (des photos existent me souffle-t-on à l'oreille). Certains se prennent une méchante gueule de bois pour écrire une chronique, d'autres m'ont l'air beaucoup plus sensible aux charmes de l'acide lysergique cher au docteur Hoffman,

Quand les années 70 débordaient trop souvent d'une débauche technique pas (toujours) des plus heureuses, Bunalim eux avaient une classe étonnante. Avec simplement trois accords, un son brut et une batterie binaire, ils inventaient le rock turc.

Sur le morceau « Hele hele gel », le bassiste a un groove exceptionnel qui vaut tous les baumes du tigre. Après son massage je commençais peu à peu à retrouver certaines de mes capacités neuronales. Peut-être encore influencé par le concert destroy vu la veille et par le cortège houblonneux qui a suivi, mais « Yeter Artik Kadin » sonne proto-punk (crête et pattes d’eph’, pourquoi pas !).

L’histoire ne dit pas s’ils ont posé une oreille sur le blues psyché du Blue Cheer, toutefois ils partagent avec eux une certaine approche stylistique : primitive, lancinante et sauvage.

Bande son du moment, ce disque m'évoque des tas de choses, vous savez l'alcool fait ressurgir des tas de souvenirs, bons ou mauvais, importants ou futiles, alors pour ce matin je me laisse aller à la nostalgie. Ouverture des conduits lacrymaux sur « Bunalim » ou « Ayrilik Olmasaydi », c’est indépendant de ma volonté, je suis faible vous savez ! Et puis les accords de la musique turque ont ce cachet mélancolique qu’ils le veulent ou non…

Groupe mythique, indépendant et atypique, le cas Bunalim est remarquable. L’embryon du rock turc mérite qu’on arrête la courbe du temps quelques instants pour le découvrir. A bon entendeur.






08/07/2009

Kara Günes - Santur Kayitlari














Cherche pas ce disque à la Fnac mon pote.

Rêve pas, tu le trouveras même pas dans le bac import . Ce skeud, je l’ai acheté à même le macadam dans le quartier de Taksim. Un groupe de musiciens d’une trentaine d’années tapait le jam, dans le froid insolent du mois de Mars. Une demi heure improbable détachée du réel, des frissons me parcourent l’échine en y repensant!


Mise en garde : sur mon cd gravé est noté le titre ci-dessus : Kara Günes / Santur Kayitlari mais aussi Siya Siyabend.

Je ne sais pas vraiment qui joue avec qui, mais dans ces groupes à géométrie variable, je peux dire sans trop me tromper qu’ils sont connectés. (Après vérification sur le site, oui c'est bien Kara Günes!!!)


“Something is rotten in the state of Turkey


Kara Gunes lève le voile sur son pays, il raconte la douleur d’un peuple, sa pauvreté croissante. Fardée de milles lumières pour le touriste de passage, Istanbul est beaucoup moins belle si l’on s’égare dans sa face cachée. Kara Gunes est un enfant du bitume, qu’ils reprennent des poèmes traditionnels ou qu’ils chantent des textes politiques, la carte postale idéale a un sérieux coup dans l’aile.

Ce groupe a été formé en 1997 à Ankara, ils ont beaucoup tourné en Turquie, avec toujours la même démarche : jouer dans la rue, collaborer avec d’autres musiciens et vente de leurs productions uniquement à ces prestations. Selon les aléas du moment, diverses instruments officient au sein de ce consortium libertaire néo-bab’ : Cimballon, saz, guitare, cithare…


Folk psychédélique d’une finesse absolue, « Santur Kaitlari » s’écoute avec l’âme, il serait inconvenant de zapper serait-ce même un seul morceau. Evoquant la tristesse ou simplement la mélancolie, cet album est comme ce long plan séquence à la fin du film « De l’autre coté » : un regard plein d’espoir défiant le tumulte chaotique de la vie.


des morceaux en streaming (n'hésitez pas à envoyer un message au groupe si vous souhaitez un album)

http://www.karagunes.com/en/discography.html

http://www.myspace.com/karagunes


21/06/2009

Selda Bagçan / Selda





















Hasta la revolucion siempre qu'ils disaient!!!

Tu trouves les chansons de Cali hautement subversives, tu te dis heureusement qu'il existe encore des artistes comme lui pour balancer des coups de latte dans les burnes de la république. En regardant Drucker le dimanche chez mamy, tu applaudis et bombes le torse en écoutant Grand Corps tout frèle et Manu Chao parler alter-mondialisme, savon équitable et devoir de désobéissance.
Merci de te casser tout de suite de mon espace numérique!!!

C'est gerbant de voir à quoi se résume la contestation médiatique dans ce pays, regarde le 1er mai, ça ressemble plus à une ballade dominicale au salon de la saucisse qu'à une véritable lutte des classes, mouvement social, révolution ou peu importe son nom. Je te le dis, Mai 68 pleure ces pavés...et chierai sans aucun doute sur le conformisme actuel.

Dans les années 70, la Turquie est certes une république, mais une république qui subit l'intégrisme des classes dirigeantes vis à vis de la liberté d'expression. Politique et musique ont toujours été intimement liés, et ça la jeune Selda Bagçan l'a très vite compris.
A l'instar d'une certaine Joan Baez, à qui on l'a souvent comparé, Selda a été la voix d'une époque. Le folk psychédélique fut son moyen de pression, sa voix et sa guitare l'expression désuète d'une révolte légitime.
Dans les années 80, elle a purgé quelques jours de cachot, il n'était pas de bon ton d'exprimer ouvertement ces convictions sociales dans la nébuleuse "fasciste" de l'époque.

Cette compilation est parfaite pour découvrir l'artiste, le classicisme originel avec "Meydan Sizindir", "Niye Cattin Kaslarini" pour la pop, le rock psychédélique enivrant de "Annayaso" (en collaboration avec Mogollar) ou le très funky "Nem kaldi". Au delà de la contestation, elle a donné à sa musique un palette de couleurs impressionnantes, Selda n'a rien à envier aux talents des jeunes folkeuses de Haight-Ashbury / San-Francisco.

A écouter d'urgence!!!

http://www.myspace.com/bagcanselda

20/06/2009

ZEN / Suda Balik

















Aujourd'hui, Baba Zula est au zénith de sa carrière, un point culminant brillant à la perpendiculaire des minarets de Sainte-Sophie. Mais comme tout à chacun, notre passé définit notre présent et détermine notre futur. Nous passons par de multiples strates, ces égarements impriment une époque et un état d’esprit.

Au matin de son existence, Baba Zula s’appelait Zen, oh rien de religieux là dedans, ce patronyme a sûrement était choisi lors d’une orgie de drogues lors d’un jam enflammé dans la moiteur d’Istanbul, un soir d’été (« Allah Baba » et « The Last Refugees of Jah Panda » ont été refusés malheureusement).

Les petits amis d’Underground Turkey auront saisi que nous avons affaire à l’embryon du grand Baba, un squelette encore fragile qui manque de calcium.

Le petit est sevré quand même. A cette époque il avait des crises d’acnés à répétitions, ne travaillait plus à l’école et répondait à ses parents, bref c’était un putain d’adolescent bordélique et flemmard... A la fin des années 80, abreuvé par la musique des anciens et bercé dans le rock psychédélique de la décade passée, Murat et Merih fondent ZEN. Des jams interminables dans la lignée de Sun City Girls ou du plus récent Akron / Family. Zen se complait dans l’abstraction psychédélique : percussions lointaines et saz maladroit tentent de donner vie à un kraut turc improbable. C’est dans ce joyeux bordel improvisé qu’on va retrouver les constituantes fondatrices de Baba Zula, cet album est encore au stade embryonnaire. Foutrement intéressant tout de même ce premier album de Zen

Un conseil mon gars, installe toi sur ton canapé, mets les pieds sur la table et déguste-moi ce nectar exotique, certes il est un peu jeune, t’inquiète il fait son petit effet.


http://www.myspace.com/zenistanbul


11/10/2008

Hayvanlar Alemi / Gaga




















Mais qui es-tu Hayvanlar Alemi ? Pourquoi me regardes-tu avec autant d’aplomb ? J’ai tellement envie d’en savoir plus, il serait peut-être temps que tu mettes ton site en ligne, non ? Comment te décrire ?

Lové dans son nuage, là haut, Hayvanlar Alemi pratique une musique libre et sans contraintes. Se conformer à quoi, et pour qui ? A l’instar de formations comme Jackie-O-Motherfucker ou de Sunburned Hand of a Man, ils trempent leurs accords dans un psychédélisme débridé, tout en gardant une oreille attentive aux milles et un genres musicaux existants. Leur page myspace dévoile en vrac des influences improbables comme l’ ‘Aztec fusion’ ou le ‘Latin pseudo new age’. En plus d’avoir de l’humour, d’improviser comme des dieux et d’être des gens open-mind, nos compères sortent des disques à un rythme fou. Pour les découvrir, il vous suffit d’aller récupérer les mp3 sur last fm.

Bienvenue au centre d’intoxication mental dirigé par le docteur Ayahuasca --- asseyez-vous autour du feu, mon jeune assistant va vous administrer une décoction d’Hayvanlar Alemi. Ne craignez pas les visions, aussi réelles soient-elles ; le psychotrope commence à faire effet.

Qu’est ce que vous voyez ?

- un brahmane jouant de la cithare avec Clint Eastwood bourré au scotch. A moins que ce soit un soufi en rangers faisant un caps avec le punk du coin !!!!

Et voilà, je me prends pour Castaneda avec cette chronique pseudo mystique, regardez les dégâts du manque d’inspiration !!! En tous les cas cette vision résume assez bien Hayvanlar Alemi…

Une exécution remarquable – une identité musicale incomparable (grâce au mélange du folk, de la noise, du psyché, de l’improvisation et du rock)

> Si j’avais un label, je vous signerai tout de suite….