31/03/2008

Ayyuka / Ayyuka (Voltaj-2007)



Comment passer à côté du groupe qui met Istanbul dans tous ces états ! Ayyuka a créé la surprise en 2007 avec cet album magistral, leur premier qui plus est ! La perfection atteinte dans cet opus n’est pas tombée du ciel. Ayyuka est un animal sauvage toujours en mouvement, en témoignent la sueur déployée et le bitume avalé tout au long de ces années.Le groupe a rodé ses morceaux dans de nombreuses salles du pays, notamment au Peyote.

Si tu cherches à te familiariser avec la nouvelle scène turque, pousse les portes de cette salle mythique. Ce CBGB's « alaturc », fomente les révolutions musicales de la scène stambouliote.

Après une cinquantaine d'écoutes au compteur, je me décide à chroniquer cette nouvelle sortie du sous label de Doublemoon : Voltaj.

Le nom du groupe signifie deux choses bien distinctes : un secret qui vient d'être révélé ou le point le plus haut dans le ciel. Du coup, je m'empare de cette particularité sémantique pour vous révéler ce secret qui illumine Istanbul et fait trembler le rock anatolien. Avant même d'avoir déposé le cd dans le lecteur, on est séduit par l'artwork rétro du digipack, ce visuel inverse à mon avis le tableau de Georges Méliès « Voyage dans la lune, en plein dans l’œil ».

Chez Ayyuka, l’éclectisme est un étendard, dressé avec fierté en haut du mat. Leur approche musicale navigue entre différents styles mais ne perd jamais de sa cohérence.

Bien que la force du groupe soit l'improvisation, cet album dévoile un travail de studio impressionnant, le son y est parfait, l'enchaînement des titres naturel et le chant savamment dosé. Rien n’a été laissé au hasard !!!

Le morceau « Toz Bulutu » est une longue montée répétitive et rageuse inspirée des ancêtres du post-punk comme The Wire. Sans crier gare, le propos s’assombrit et les guitares s’aiguisent avec les morceaux suivants!!!

Ayyuka, comme on l'a dit précédemment, a plusieurs visages. D'un coté celui du babos cramé à l'acide ne jurant que par le folk psychédélique, et de l’autre une figure plus sauvage et irrémédiablement plus dangereuse : peut-être celle d’un punk imbibé de bière se lançant dans un pogo endiablé et scandant des refrains de Fugazi.

« Aksi » marque un temps d’arrêt et nous offre un surprenant reggae lové dans des arpèges folk d’une tristesse cadavérique. Une fois la mélancolie installée, Ayyuka laisse ses influences 70's reprendre le dessus en agrémentant le morceau « azgin cengi » de mélodies toutes turques.

Le morceau suivant nous envoie un riff ravageur dans les cages à miels, « Aglama » est le tube de l’album, capable de retourner une salle en moins de deux.

Au fur et à mesure que s'égraine les morceaux, on ose prononcer ce rêve, les voir jouer en live face à un public chauffé à blanc. Passez par la France les gars, et je promets de vous trouver une date !

La queue de l’ouragan punk rock se finit avec « Dünya Hali », Ayyuka fait tomber le perfecto, et nous propose deux délicieuses ballades folk, « Ümitsiz ask » et « Unutursam ».

Le groupe nous emmène en voyage, le GPS paramétré sur l’Amérique du Sud, avec le génie créatif d’un Mars Volta sous Tranxen. Le morceau qui clôt le chapitre : "çaça" ne nous ressortira pas la tête de l'eau, bien au contraire, imagine-toi plutôt dans le désert seul, sans flotte, sans couvre-chef avec un sac de 50 kilos sur le dos!!!


A l’heure du revival rock, de ces groupes en « THE quelque chose » qui pillent les anciens et nous servent une musique prédigérée, comment ne pas être soufflé par ce groupe. Prouvant encore une fois, s’il était besoin le potentiel créatif exceptionnel du rock turc.

http://www.myspace.com/ayyuka

03/03/2008

Gevende / Ev (Baykus Music - 2006)




"Ev" signifie en turc la maison, le foyer, c'est à dire l'endroit où l'on se sent chez soi. Pour Gevende, le monde entier est "Ev". Cette philosophie de l'exil, Gevende l'a érigé en dogme, lors d'un périple en 2006, ils sont partis à la rencontre d'autres cultures et d'autres univers musicaux, ils se sont arrétés en Iran, en Inde, au Pakistan ou au Népal. Cet empirisme musical apparaît comme le marque de fabrique du groupe.
On est, en effet tout de suite frappé par la densité et l'effervescence émergant de ces neuf chansons. Nous ne sommes pas alors étonné, d'apprendre que pas moins de vingt deux musiciens ont collaboré à ce disque ...ce qui représente aussi une palette d'instruments considérable...de la trompette, du saxophone, du trombone, des tablas, du violoncelle, du didgeridoo mais aussi du piano, un tambour et de la flute, sans oublier les instruments plus classiques comme la guitare, le saz ou la batterie.
A la base, Gevende se compose d'un noyau dur de quatre persones. En laissant cette ouverture propice à l'improvisation, une oeuvre folle a jailli de ces rencontres...sans jamais perdre de sa cohérence.

Direction les balkans pour un premier morceau. Porté par les arabesques du violon, Gevende mélange les gammes de la musique turque au jeu gitan. Seul un break de tablas indiens vient interrompre un morceau qui n'aurait pas fait tache dans la bande originale de "Chat noir, chat blanc" (Kusturika). Un pied en roumanie et l'autre à Cuba, les trompettes de "Refik"se consument dans une salsa endiablée..portées par la complainte d'une gitane. Le troisème morceau "Nem" s'apparente beaucoup plus au jazz...le Ney (flute turque) accompagne à merveille les registres traditionnels de la musique turque...envoutants et mystérieux. Bande originale du film de leur périple, "Ev" est coloré de multiples sentiments : la mélancolie sur "Nayu", l'espoir sur "Okyanus Dügünü" ou bien la tristesse sur "Anonim". Ce même morceau est assez représentatif de la musique de Gevende : sur la base d'un morceau typiquement gitan, les percussions sont venus tout droit d'Amérique du sud tandis que les arrangements sont typiques du folk turc. La suite de l'album emprunte une voie un peu différente, en phase avec un certain rock progressif façon Franck Zappa ou The Mars Volta.

Un premier CD en forme de témoignage de leur voyage, Gevende offre une vision décompléxée des musiques traditionelles en y injectant des univers poutant éloignés comme le jazz ou le rock. La richesse de cette oeuvre impose une limite à cette chronique... celle de la conclure et de se remettre "Ev" dans les cages à miels...

http://www.myspace.com/gevende